Florence Bates

Florence Bates, née Florence Rabe le 15 avril 1888 à San Antonio au Texas, reste l’une des figures les plus singulières du cinéma hollywoodien de l’âge d’or. Avec sa voix grave, son regard perçant et sa présence imposante, elle incarne durant près de deux décennies une galerie de femmes de caractère, riches veuves, aristocrates hautaines ou matriarches redoutables. Mais derrière ses rôles souvent comiques ou tyranniques, se cache une trajectoire de vie aussi inattendue que fascinante. Fille d’immigrants juifs d’origine allemande, Sigmund et Rosa Rabe, elle grandit dans le Sud conservateur des États-Unis à une époque où les femmes, surtout issues des minorités, avaient peu d’options. Son père est propriétaire d’un magasin d’antiquités. Brillante élève, Florence Bates obtient un diplôme de mathématiques de l’Université du Texas en 1906, un exploit rare pour une femme à cette époque. Elle devient enseignante.

Dans les années 1910, Florence Bates épouse Joseph Ramer, un homme d’affaires, et abandonne sa carrière pour élever leur fille. Le couple divorce rapidement, et la jeune femme retourne vivre chez ses parents. Après la mort de son père, elle aide sa mère à gérer une boutique, tout en s’orientant vers le droit. En 1914, à 26 ans, elle devient l’une des premières femmes avocates du Texas. Une prouesse qui témoigne de sa ténacité. Mais l’appel du théâtre et des lettres finit par l’emporter. Elle abandonne le barreau, se lance dans la critique radiophonique et adopte le pseudonyme de Florence Bates. Dans les années 1930, après la ruine économique causée par le krach de 1929, elle dirige même une boutique d’antiquités à Los Angeles avec son second mari, William Jacoby.

C’est à près de 50 ans que Florence Bates amorce sa carrière cinématographique. En 1939, elle est repérée dans une production théâtrale locale par Alfred Hitchcock, qui lui offre le rôle de la terrible Mrs. Van Hopper dans «Rebecca» (1940). Ce rôle mémorable, dans le premier film américain du maître, marque le début d’une carrière fulgurante à Hollywood. Elle devient aussitôt une actrice de caractère très demandée, enchaînant les rôles secondaires, dans plus de 60 films. On la retrouve ainsi dans la comédie signée Jack Conway «Folie douce» (1941) aux côtés de William Powell et Myrna Loy, «Le ciel peut attendre» (1943) de Ernst Lubitsch, auprès de Gene Tierney et Don Ameche, ou encore «L’intrigante de Saratoga» (1945) de Sam Wood, où elle donne la réplique à Ingrid Bergman et Gary Cooper. On se souvient également de sa présence dans «Le masque de Dimitrios» (1944), de Jean Negulesco, et dans «Le portrait de Jenny» (1947), de William Dieterle. Sa capacité à incarner des femmes à poigne, souvent snobs, parfois hilarantes, devient sa signature.

Florence Bates fait également des incursions dans le théâtre et la radio, sans jamais vraiment quitter les plateaux de cinéma. Dans les années 1950, elle apparaît dans des épisodes de plusieurs séries télévisées, poursuivant son métier avec passion malgré une santé déclinante. Le 31 janvier 1954, Florence Bates s’éteint à Los Angeles à l’âge de 65 ans. Elle laisse derrière elle l’image d’une actrice atypique, entrée tardivement dans le cinéma, mais qui y a inscrit son empreinte avec autorité et humour. Loin des stars de premier plan, elle appartient à cette catégorie d’acteurs qui ont su donner chair et relief aux seconds rôles, avec un rare professionnalisme.

© Philippe PELLETIER