Maurice Cloche

Maurice Cloche, né le 17 juin 1907, est peut-être l’homme d’un film, «Monsieur Vincent» (1947), consacré à la haute figure de Saint Vincent de Paul. L’œuvre est en tout point digne d’éloges. On se souvient du début de film, quand, nommé desservant d’une petite ville, le futur saint parcourt des rues désertes, au milieu des pierres qu’on lui lance des fenêtres. Ce qui frappe dans ce film, c’est une constante sobriété, et la volonté manifeste de retracer l’itinéraire spirituel du personnage, sans jamais céder à l’emphase ni aux chromos sulpiciens. Pierre Fresnay ne joue pas un rôle, mais il devient, sous nos yeux, ce Vincent de Paul à la fois humble et plein d’autorité, qui soulagea la misère des pauvres mais fraya aussi avec les grands de ce monde.

Cette veine religieuse, on la retrouve dans d’autres films. Ainsi, tandis que, dans «Peppino e Violetta» (1950), un film tourné en Italie, un enfant malade rencontre le Pape. Des prêtres, installés dans une mission africaine, tentent de s’adapter, dans «Un missionnaire» (1955), à des coutumes dont le sens leur échappe parfois. Sorti plus tard, en 1973, «Mais toi, tu es Pierre» raconte l’histoire mouvementée des Apôtres, depuis l’épisode de la pêche miraculeuse jusqu’au martyre de ces disciples du Christ. Le thème de la rédemption court d’ailleurs en filigrane dans d’autres films, qui explorent le monde des prisons de femmes, de la prostitution et de la traite des blanches. En effet, au bout de la nuit où sont ensevelies ces femmes, brille toujours une lueur. Ainsi, dans «La cage aux filles» (1949), une éducatrice - Suzanne Flon - tend une main secourable à Danièle Delorme, placée dans une maison de redressement. Dans «Marchands de filles» (1957), Agnès Laurent est sauvée des mains des proxénètes par un agent de l’Interpol interprété par Georges Marchal. Citons encore «Filles de nuit» (1957), où un prêtre (un personnage décidément récurrent dans l’œuvre de Maurice Cloche) recueille des prostituées, pour les ramener dans la bonne voie.

Mais, dans ses films, Maurice Cloche, qu’on a pu qualifier de cinéaste catholique, ne fait pas seulement de l’apostolat. Son inspiration est parfois plus légère. Dans «Cœur de coq» (1946), Fernandel doit se faire greffer le cœur du volatile qui donne son titre au film. On ne s’ennuie pas non plus dans «Pas un mot à la reine mère» (1946), où Suzanne Dehelly compose un de ces personnages loufoques dont elle a le secret. «Ça aussi c’est Paris» (1957), avec le duo Jean Poiret - Michel Serrault, n’engendre pas non plus la mélancolie. À la fin de sa carrière, le réalisateur s’oriente vers un genre qui, lui aussi, l’éloigne tout à fait de la piété. Il donne en effet dans la série noire et le roman d’espionnage, s’inspirant des personnages de Jean Bruce et Paul Kenny, coureurs de jupons et amateurs de whisky. Le résultat, c’est un peu le James Bond du pauvre, avec des films interchangeables et un peu ternes, malgré les cascades. Nul doute, en effet, que «Coplan, agent secret F 18» (1964), avec le fade Ken Clark, ou «Le vicomte règle ses comptes» (1966), avec Kerwin Mathews, n’aient pas tardé à s’effacer des mémoires des cinéphiles.

Auteur de courts-métrages sur l’univers des formes, comme «Symphonie graphique» ou «Images gothiques», Maurice Cloche, qui a fait ses études aux Beaux-Arts, est aussi le fondateur du centre des jeunes du cinéma, qui deviendra l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC). Il décède le 20 mars 1990.

© Jean-Pascal LHARDY