Scatman Crothers

Né Benjamin Sherman Crothers le 23 mai 1910 à Terre Haute, dans l’Indiana, Scatman Crothers grandit dans une Amérique ségréguée, mais découvre très jeune l’appel irrésistible de la musique. Dès l’adolescence, il apprend la batterie, la guitare et le chant. Son surnom, «Scatman», lui vient de sa maîtrise du scat, ce style de chant jazz improvisé qu’il manie avec une virtuosité captivante. Au cours des années 1930 et 1940, il se forge une solide réputation dans les clubs de jazz du Midwest et de Californie, souvent en tant que leader de groupes, mais toujours avec cette énergie communicative qui deviendra sa marque de fabrique. C’est dans les années 1940 que sa carrière commence à prendre un tournant plus médiatique, avec ses apparitions à la radio puis à la télévision. Il devient l’un des premiers Afro-Américains à apparaître régulièrement à l’écran à une époque où Hollywood offre peu de rôles significatifs aux acteurs noirs. Pourtant, Scatman Crothers sait trouver sa voie, souvent en jouant des personnages secondaires hauts en couleur, mais inoubliables.

Parmi ses rôles marquants, celui de Louie le concierge dans 68 épisodes de la série télévisée «Chico and the man» (1974/78) lui vaut une reconnaissance nationale. Sa tendresse et son humour dans ce rôle d’homme sage et bienveillant conquièrent le public. Mais c’est surtout sa collaboration avec Stanley Kubrick qui inscrit définitivement son nom dans la postérité. En 1978, il incarne Dick Hallorann dans «Shining», adaptation du roman de Stephen King. Sa performance, toute en humanité et en tension dramatique, contraste puissamment avec l’horreur montante du film. L’alchimie entre notre acteur et le jeune Danny Lloyd, dans le rôle de l’enfant médium, confère à leurs scènes une dimension quasi mystique. Parmi les autres films auxquels il participe: «Alvarez Kelly» (1966) de Edward Dmytryk, «Hello, Dolly!» (1969) de Gene Kelly, «L’insurgé» (1970) de Martin Ritt, «La bonne fortune » (1974) de Mike Nichols, «Vol au-dessus d’un nid de coucou» (1975) de Milos Forman, «Le dernier des géants» (1976) de Don Siegel, «Bronco Billy» (1980) de et avec Clint Eastwood.

Outre sa carrière au cinéma, Scatman Crothers s’illustre dans le doublage de dessins animés. Il prête sa voix à de nombreux personnages emblématiques, dont «Hong Kong Fou Fou» dans la série animée du même nom en 1974, et Scat Cat dans «Les aristochats» (1970), une production Walt Disney, où son amour du jazz éclate dans une performance musicale mémorable. Il ne se contente pas d’être un artiste. Il incarne aussi une forme de résilience et d’authenticité. Dans un monde du spectacle encore largement dominé par les stéréotypes raciaux, il réussit à imposer son talent tout en restant fidèle à lui-même, sans jamais céder au cynisme. Son rire communicatif, sa générosité sur les plateaux et son amour profond de la musique faisaient de lui une figure respectée, tant par ses collègues que par le public.

Jusqu’à ses derniers jours, Scatman Crothers reste actif. Il tourne encore à la télévision au milieu des années 1980. Mais la maladie finit par l’emporter. Il meurt d’un cancer du poumon le 22 novembre 1986 à son domicile de Van Nuys, en Californie, à l’âge de 76 ans. Aujourd’hui, Scatman Crothers reste une figure attachante et admirée de la culture américaine. Son nom, souvent associé à la musique et au cinéma populaire, résonne comme celui d’un pionnier, d’un artiste total.

© Philippe PELLETIER