Harris Yulin

Harris Yulin, né le 5 novembre 1937 à Los Angeles, Californie, est l’un de ces acteurs dont le visage vous est immédiatement familier, même si le grand public ne connaît pas toujours son nom. Issu d’une famille juive, son père est dentiste, il grandit dans un environnement culturel stimulant, ce qui l’amène très tôt à s’intéresser au théâtre. Il fait ses débuts sur scène à New York dans les années 1960, à une époque où l’avant-garde théâtrale bat son plein. Il se forme dans les cercles du théâtre off-Broadway, avant de percer grâce à des rôles marquants dans des productions de Shakespeare et des pièces contemporaines. Sa prestance scénique et sa capacité à incarner des personnages denses et complexes lui valent vite l’estime de ses pairs.

Il joue son premier rôle important, en 1971, aux côtés de Stacy Keach et Faye Dunaway, dans le film «Doc», un western psychologique réalisé par Frank Perry. Ce rôle est suivi par plusieurs apparitions dans des films emblématiques des années 1970, notamment «La fugue» (1975) de Arthur Penn, où il incarne un détective privé dans une ambiance sombre et désabusée, reflet du cinéma américain de cette époque. C’est dans les années 1980 que Harris Yulin devient un visage incontournable. Il apparaît dans des films tels que «Scarface» (1983) de Brian De Palma, où il incarne le juge Bernstein, corrompu et cynique, face à Al Pacino. Ce rôle symbolise bien l’empreinte de l’acteur, un mélange de force, de sophistication et d’ambiguïté morale. À la télévision, il multiplie les apparitions, notamment dans des épisodes de séries comme «Kojak» (1974), «La conquête de l’Ouest» (1978), «WIOU» (1990/91) ou encore «24 heures chrono» (2002/03), où il est souvent sollicité pour incarner des figures d’autorité telles que des juges, sénateurs, hauts fonctionnaires.

Dans les années 1990, sa carrière s’étoffe encore. Il joue dans «Danger immédiat» (1994), Phillip Noyce, aux côtés de Harrison Ford, puis dans «Looking for Richard» (1995), une exploration du «Richard III» de Shakespeare par Al Pacino, où il revient à ses amours théâtrales. Il démontre une fois de plus son habileté à passer du classique au contemporain avec fluidité. Le début des années 2000 le voit apparaître dans «Training day» (2000), aux côtés de Denzel Washington. Il reçoit une nomination aux Emmy Awards en 1996 pour son rôle dans la série «Frasier», preuve que son travail trouve écho chez les critiques comme chez le public. Tout au long de sa carrière, Harris Yulin a su rester fidèle à ses racines théâtrales. Il continue d’apparaître régulièrement sur les planches, notamment à Broadway, où il a joué dans des productions saluées comme «The price» de Arthur Miller. Il s’essaie également à la mise en scène, et dirige plusieurs pièces, poursuivant ainsi son exploration du théâtre sous un autre angle.

Marié un temps à l’actrice Gwen Welles, disparue en 1993, Harris Yulin mène une vie discrète, loin des projecteurs, préférant la profondeur des rôles à la lumière des tapis rouges. Sa longévité, sa rigueur et son intégrité artistique en font une figure respectée dans le milieu du spectacle. Le 10 juin 2025, il décède à New York, emporté par une crise cardiaque. Il appartient à cette génération d’acteurs dont la carrière, patiemment bâtie, illustre l’importance des seconds rôles dans la richesse du cinéma américain. Un acteur de caractère, dans tous les sens du terme.

© Philippe PELLETIER