![]() 1974 Les mille et une nuits (il fiore delle mille e una notte) de Pier Paolo Pasolini avec Franco Citti & Ninetto Davoli | ![]() 1975 Salo ou les 120 journées de Sodome (Salò o le 120 giornate di Sodoma) de Pier Paolo Pasolini avec Efisio Etzi | ![]() 1975 Affreux, sales et méchants (brutti, sporchi e cattivi) de Ettore Scola avec Nino Manfredi & Linda Moretti | ![]() 1979 Le malade imaginaire (il malato immaginario) de Tonino Cervi avec Alberto Sordi & Laura Antonelli | ||
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Il est des visages que le cinéma n’oublie pas, même lorsque la mémoire collective semble les avoir relégués dans l’ombre. Celui de Franco Merli, délicat, presque irréel, appartient à cette catégorie rare d’icônes fugitives, dont la brève incandescence continue de fasciner cinéphiles et chercheurs du beau. Né le 31 octobre 1956 à Rome, dans une Italie encore marquée par les vestiges du néoréalisme, Franco Merli n’est pas destiné à devenir acteur. Il n’a ni formation dramatique, ni ambition de gloire. C’est dans les rues de la capitale italienne, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, que le poète et cinéaste Pier Paolo Pasolini le remarque. Séduit par la grâce naturelle du jeune homme et son physique androgyne, le réalisateur en fait le protagoniste de «Les mille et une nuits» (1974), troisième volet de sa «Trilogie de la vie». Du haut de ses 17 ans, il incarne le jeune Nur Ed Din: candide, éclatant de beauté dans le cadre sensuel et baroque du cinéma pasolinien.
Mais c’est avec «Salò ou les 120 journées de Sodome» (1975) qu’il entre tragiquement dans la légende. Dans ce film ultime, adaptation glaçante de Sade transposée dans l’Italie fasciste, le jeune acteur joue l’un des jeunes captifs, victime et symbole de cette triste époque. Son corps y est offert au regard du pouvoir, humilié, instrumentalisé, jusqu’à l’insoutenable. C’est un crescendo dans l’effroi, et une véritable descente aux enfers pour les jeunes capturés qui subissent les pires tortures physiques et qui sont contraints à la coprophagie. L’esthétique crue du cinéaste, la violence froide de l’œuvre, et la pureté du visage de Franco Merli composent un tableau inoubliable, à la fois somptueux et terrifiant.
Après la mort tragique de son mentor, assassiné le 2 novembre 1975 par un jeune prostitué sur une plage d’Ostie, le cinéma semble tourner le dos à Franco Merli. Il apparaît encore dans trois films dans des rôles mineurs. En 1975, teint en blond, il joue le fils de Femi Benussi dans le film érotique «La collégienne en vadrouille» de Gianni Martucci. La même année, il est le fils de Nino Manfredi dans «Affreux, sales et méchants» réalisé par Ettore Scola, une satire sociale qui décrit la vie quotidienne d’une famille italienne vivant dans un bidonville de la périphérie romaine au début des années 70. Dans «Le malade imaginaire» (1979) de Tonino Cervi, il ne fait qu’une brève apparition. Puis il disparaît de la scène artistique. Contrairement à d’autres jeunes acteurs que le cinéma a broyés, Franco Merli choisit le silence et l’effacement. Il retourne à une vie anonyme, loin des caméras, loin de la lumière.
Le reste de la vie de Franco Merli demeure un mystère. Ni interviews, ni autobiographie. Juste des images figées, quelques souvenirs d’équipe, des spéculations. Mais ce silence lui donne une aura presque mythologique. Il incarne un moment du cinéma européen, un idéal esthétique, un fantasme de beauté voué à la perte. Franco Merli n’a pas eu besoin d’une longue filmographie pour marquer l’histoire. Il a été ce que Pier Paolo Pasolini voyait en lui: un symbole vivant de la jeunesse, du désir, et de l’innocence pervertie par le pouvoir. Et s’il a disparu, c’est peut-être pour mieux préserver cette image, celle d’un ange tombé, figé pour l’éternité dans la pellicule. On sait qu’il a toujours vécu à Rome, et qu’à une certaine période de sa vie, il a travaillé dans une banque. Franco Merli, l’éphèbe de Pasolini, lumière fugace du cinéma italien, s’éteint le 17 mai 2025, à Rome. Il était le père de deux garçons.
© Philippe PELLETIER

1974 | Les mille et une nuits ( il fiore delle mille e una notte ) de Pier Paolo Pasolini avec Ninetto Davoli |
1975 | Salo ou les 120 journées de Sodome ( Salò o le 120 giornate di Sodoma ) de Pier Paolo
Pasolini avec Hélène Surgère
La collégienne en vadrouille ( la collegiale ) de Gianni Martucci avec Marta Katherin Affreux, sales et méchants ( brutti, sporchi e cattivi ) de Ettore Scola avec Nino Manfredi |
1979 | Le malade imaginaire ( il malato immaginario ) de Tonino Cervi avec Alberto Sordi |