Edgar Buchanan

Sur l’écran, le familier du western repère le saloon, le bureau du shérif, le «general store» et... Edgar Buchanan. La tête rentrée dans les épaules, la voix traînante et le geste lent, ce vieux bougon est en effet un pilier du genre. Il y joue les juges, les shérifs, les militaires ou les médecins, ce qui n’avait rien d’étonnant car, dans une première vie, Edgar Buchanan était dentiste. Né le 20 mars 1903 à Humansville, dans le Missouri, il quitte son cabinet et, après avoir suivi les cours de théâtre de la prestigieuse école californienne du Pasadena Playhouse, il aborde le cinéma à la fin des années 30. Il a 36 ans et fait déjà plus vieux que son âge, ce qui lui permet d’aborder des rôles de vieux notables grincheux ou d’oncles gâteaux un peu séniles.

Se souvenant peut-être de son expérience de dentiste, il en interprète un dans, «Texas» (1941), de George Marshall, il joue donc de nombreux médecins. Ce sont souvent des hommes bienveillants, blanchis sous le harnais, comme ce dr Merroan de «La peine du talion» (1948), de Henry Levin, qui essaie de contrer la folie meurtrière de Glenn Ford, ou le docteur Samuels, beau-père des fameux frères Frank et Jesse James, qui est sur le point d’être pendu dans «Les rebelles du Missouri» (1950), de Gordon Douglas. Il campe des shérifs, comme dans «Ultime sursis» (1953), de William A. Seiter ou «Vengeance à l’aube» (1954), de George Sherman, ou bien des maires, celui de «Le nettoyeur» (1954), de George Marshall.

Mais son rôle favori, c’est bien celui de juge. Et ses magistrats ne sont pas toujours des personnages honorables. On se souvient ainsi de «Coups de feu dans la sierra» (1962), de Sam Peckinpah, où son juge Tolliver est un ivrogne parvenu au dernier degré d’éthylisme. Réfugié dans le bouge d’un camp de chercheurs d’or, c’est en titubant qu’il célèbre le mariage unissant James Drury à Mariette Hartley. L’acteur compose là un poivrot d’anthologie. Chapeau l’artiste!. Un juge éméché, Edgar Buchanan en a d’ailleurs incarné un autre dans «Arizona» (1940), de Wesley Ruggles, mais sur un mode plus jovial. Sous leur air débonnaire, ses hommes de loi cachent parfois de noirs desseins, comme le juge de «Les rôdeurs de l’aube» (1955), de Tim Whelan, qui assure l’impunité à une bande malfrats. Et il interprète aussi le célèbre juge Roy Bean pour une série télévisée du même nom, au milieu des années 50. Mais il n’est pas toujours du bon côté de la loi: dans «Tombstone, la ville qui ne peut mourir» (1942), de William C. McGann, il campe William «Curly Bill» Brocius, un célèbre outlaw tué par le non moins fameux Wyat Earp en 1881. On le voit souvent en vieux ronchon de service à la Walter Brennan, comme dans «Four fast guns» (1959), de William J. Hole, où il campe un shérif adjoint aviné et rouspéteur.

Délaissant parfois le western, Edgar Buchanan figure aussi dans des comédies, comme «Que le meilleur gagne» (1948), de John Sturges, où il interprète un passionné de jeu entiché d’une grenouille sauteuse, ou des films noirs, comme «Désirs humains» (1954), un remake de «La bête humaine» de Jean Renoir, où il joue le collègue cheminot de Glenn Ford. Parmi ses très nombreuses apparitions à la télévision, on peut retenir les 222 épisodes de la série «Petticoat Junction» (1963/70) et, comme il se doit, d’innombrables séries western, comme «Maverick» (1958/61), «Au nom de la loi» (1959) ou encore «Bonanza» (1960/61). Victime d’une crise cardiaque, il meurt le 4 avril 1979, à Palm Desert, en Californie.

© Jean-Pascal LHARDY