Finlay Currie

Avec sa chevelure argentée, sa haute stature et son port altier, Finlay Currie, né le 20 janvier 1878 à Edimbourg, est, à la fin de sa carrière, l’image même du vieux sage. Nul mieux que lui ne peut incarner les prophètes barbus ou les figures spirituelles. Ainsi se souvient-on, entre beaucoup d’autres rôles, de son Saint-Pierre, conforme en tous points à l’imagerie populaire, dans «Quo vadis?» (1951), de Mervyn LeRoy, du Roi mage Balthazar dans le célèbre «Ben-Hur» (1959), de William Wyler, du Pape approuvant l’ordre fondé par Saint-François d’Assise dans «François d’Assise» (1961), de Michael Curtiz, ou encore le vieux sénateur sagace de «La chute de l’Empire romain» (1964), de Anthony Mann.

Finlay Currie donne aussi à son rôle de M. Shunderson, le mystérieux ami de Cary Grant, dans «On murmure dans la ville» (1951), de Joseph L. Mankiewicz, une épaisseur singulière. Taciturne et imposant, il est l’ombre même du médecin incarné par Cary Grant. Proche des gens et des animaux, il semble doué d’une perspicacité particulière et même d’un don de seconde vue. Il lui suffit d’un regard pour juger de la bassesse du confrère de Cary Grant, interprété par Hume Cronyn. La scène dans laquelle il lui dit: «vous êtes un homme petit, professeur Elwell», est mémorable. Il émane alors du personnage de Finlay Currie une telle force qu’on n’est pas surpris de voir Hume Cronyn, percé à jour, courber la tête sous l’effet de cette simple phrase. L’acteur personnifie encore bien d’autres personnages illustres, comme le mollah de «Zarak le valeureux» (1956), de Terence Young, le prélat de «Sainte Jeanne» (1956), de Otto Preminger, avec Jean Seberg, ou encore le roi David de «Salomon et la reine de Saba» (1958), de King Vidor, avec Yul Brynner dans le rôle du roi Salomon. Mais ses airs majestueux peuvent cacher une simplicité débonnaire. Le personnage biblique se transforme alors en un homme sans façon, qui s’insère parfaitement dans le quotidien des gens ordinaires. C’est l’oncle Mart de «Wanted !» (1937), un «quota quickie», film à petit budget, de George King, ou le facteur du «49e parallèle» (1941), de Michael Powell.

Finlay Currie prête aussi souvent sa rudesse un peu bougonne à des militaires, des policiers ou des capitaines de bateau: le capitaine Alstad, de «La revanche» (1942), de Harold French, un vieux loup de mer norvégien acceptant d’embarquer un correspondant de guerre, l’officier des pompiers MacFarlane dans «The bells go down» (1943), de Basil Dearden, le colonel Randolph de «La parade de la gloire» (1952), de Henry Koster ou encore l’inspecteur Peters de «Des pas dans le brouillard» (1955), de Arthur Lubin. Même s’il semble pencher du mauvais côté de la barrière, c’est pour la bonne cause. C’est le cas pour l’une de ses créations majeures, le rôle d’Abel Magwitch, dans la version qu’a donnée David Lean du célèbre roman de Dickens, «Les grandes espérances» (1946). Comme Jean Valjean, c’est un bagnard au grand cœur, qui prend sous sa protection l’orphelin Pip, le jeune héros du romancier anglais. Autre personnage tiré d’un grand classique, le capitaine Billy Bones, qui possède la fameuse carte de l’île au trésor, qu’il incarne, en 1949, dans un film du même nom de Byron Haskin.

Finlay Currie a aussi une grande expérience de la scène et commence même sa carrière en chantant et dansant avec sa femme, l’actrice Maude Courtney, dans un spectacle de vaudeville! Numismate averti et amateur de poésie, il décède le 9 mai 1968 à Gerrard Cross, en Angleterre.

© Jean-Pascal LHARDY