Delmer Daves

Né le 24 juillet 1904, Delmer Daves est d’abord connu pour ses westerns. Certains d’entre eux comptent parmi les grands classiques du genre. On pense d’abord à «La flèche brisée» (1950), avec James Stewart et Jeff Chandler, un western humaniste et progressiste, l’un des premiers, en tous cas, à présenter l’Indien, non comme un sauvage irrécupérable, mais comme un être humain appartenant à un peuple fier de son histoire et de ses traditions. «L’homme de nulle part» (1955), avec Glenn Ford, explore avec une grande finesse d’analyse, la veine du western psychologique, où la tension entre les personnages (ici une histoire d’amour et de jalousie) et la complexité des sentiments qui les unissent confèrent une singulière densité au récit. Ce primat accordé aux émotions qui font agir et évoluer les êtres se retrouve dans un autre chef-d’œuvre, «3h10 pour Yuma» (1957), servi par deux comédiens sensationnels, Glenn Ford et Van Heflin. L’intérêt de ce film, construit, comme la tragédie, sur une triple unité, de lieu, de temps et d’action, est encore renforcé par le suspens qui tient le spectateur en haleine de bout en bout. Enfin, dans son dernier western, «La colline des potences» (1958), Delmer Daves dépeint la figure humaniste d’un médecin altruiste que Gary Cooper, avec sa sobriété coutumière, rend très crédible.

On doit aussi au metteur en scène l’un des films noirs les plus mémorables de l’histoire du cinéma, «Les passagers de la nuit» (1947), avec le couple mythique Humphrey Bogart - Lauren Bacall. Après «La dame du lac» (1947), réalisé par l’acteur Robert Montgomery, ce film est l’un des premiers à être tourné, durant une bonne partie du récit, en caméra subjective. En effet, celle-ci épouse la vision du personnage principal, sans que l’on voie son visage (qui n’apparaît que vers la fin de l’histoire). Delmer Daves tourne un autre film noir, «La maison rouge» (1946), avec Edward G. Robinson, où, sous l’apparence ordinaire de la vie quotidienne, couve la folie de personnages évoluant dans une atmosphère de plus en plus étouffante. Dans la filmographie variée de Delmer Daves, on trouve aussi d’efficaces films de guerre, comme «Destination Tokyo» (1943), son premier film ou «Horizons en flammes» (1949), et un excellent péplum, «Les gladiateurs» (1953), où Victor Mature (acteur trop mésestimé) doit protéger la tunique du Christ de la convoitise des Romains. Delmer Daves est également un scénariste réputé. On lui doit notamment le scénario (avec Donald Ogden Stewart) d’un des sommets du film romantique, «Elle et lui» (1938), de Leo McCarey, qui, en 1957, en fera un remake encore plus réussi. Auteur, seul ou en collaboration, du scénario de nombre de ses films, il participe aussi à l’écriture d’un des chefs-d’œuvre sulfureux d’Erich von Stroheim, «Queen Kelly» (1928) et à celle de plusieurs films de Frank Borzage.

Ayant décidément plusieurs cordes à son arc, Delmer Daves débute au cinéma comme acteur, dès les années 20. Il tient ainsi de petits rôles, notamment dans des films de James Cruze, qui l’aurait fait débuter, comme accessoiriste, dans «La caravane vers l’ouest» (1922), considéré comme l’archétype du western. Au début des années 60, Delmer Daves tourne des mélodrames à la Douglas Sirk, mais qui n’en ont pas la flamboyance, comme «Cet enfant est mien» (1960), ou «La bataille de la villa Fiorita» (1964), son dernier film, qui mériteraient cependant d’être redécouverts. Malgré la diversité de son inspiration, cette œuvre aux accents personnels, où l’on retrouve des thématiques récurrentes, est bien celle d’un véritable auteur, au sens que les Français donnent à ce mot. Delmer Daves nous a quittés le 17 août 1977.

© Jean-Pascal LHARDY