John Fujioka

John Fujioka naît le 29 juin 1925 à Hawaï, aux États-Unis, dans une famille d’origine japonaise. Fils d’immigrants nippons, il grandit à une époque où les tensions raciales et les discriminations envers les Américains d’origine asiatique sont monnaie courante, surtout à l’approche de la Seconde Guerre mondiale. Très tôt, le jeune homme est conscient du fossé culturel qui le sépare de ses compatriotes américains, et cette dualité identitaire marquera toute sa vie et sa carrière d’acteur. Durant la Seconde Guerre mondiale, alors adolescent, il vit les bouleversements profonds que le conflit impose aux Américains d’origine japonaise, bien que résidant à Hawaï, territoire stratégique des États-Unis. Après la guerre, il poursuit ses études tout en travaillant dans divers petits boulots, mais c’est à l’aube des années 1960 qu’il décide de se tourner vers le théâtre et le cinéma, malgré les rares opportunités offertes aux acteurs asiatiques à cette époque.

Dans les années 60, John Fujioka fait ses débuts à la télévision, apparaissant dans des épisodes de séries populaires comme: «Sur le pont la Marine» (1962/65) avec Ernest Borgnine, «Anna et le roi» (1972) avec Yul Brynner, «Kung Fu» (1973/75) avec David Carradine, où il interprète souvent des rôles de sages ou de maîtres d’arts martiaux. Doté d’une voix grave et d’une stature imposante, il se spécialise rapidement dans les personnages d’autorité issus de cultures orientales. En 1976, il décroche son premier rôle notable au cinéma dans «La bataille de Midway» de Jack Smight, où il incarne le contre-amiral Tamon Yamaguchi. Sa carrière prend un tournant avec le film «Le dernier vol de l’arche de Noé» (1980) de Charles Jarrott avec Geneviève Bujold et Elliott Gould, produit par les studios Disney, dans lequel il incarne un ancien soldat japonais resté bloqué, avec son compatriote, Yuki Shimoda, un rôle qui rappelle l’histoire vraie du soldat Hiroo Onoda incarné ici par Yuki Shimoda, le propulse sous les projecteurs.

Dans les années 1980, John Fujioka devient un visage familier du cinéma d’action et d’aventure. Il joue dans des films cultes comme «American warrior» (1984) réalisé par Sam Firstenberg, où il incarne le maître Shinyuki, mentor spirituel et guerrier. Sa performance, empreinte de dignité et de retenue, contribue à donner à ce film une touche plus sérieuse. Il enchaîne ensuite avec des apparitions «Mortal Kombat» (1995) aux côtés de Christophe Lambert, où il apparait brièvement dans le rôle d’un ancien combattant. Malgré sa filmographie riche, John Fujioka reste souvent cantonné à des rôles stéréotypés, reflet des limites de l’industrie hollywoodienne de l’époque. Pourtant, il apporte à chacun de ses personnages une profondeur subtile, souvent nourrie par son propre vécu et son sens aigu de l’honneur et de la tradition. Il est également apprécié pour sa rigueur professionnelle et son humilité sur les plateaux.

À la fin des années 1990, John Fujioka ralentit ses activités, apparaissant plus rarement à l’écran. Il se retire progressivement de la vie publique, vivant paisiblement en Californie. Il meurt le 13 décembre 2006 à Los Angeles, à l’âge de 81 ans. John Fujioka laisse derrière lui l’image d’un acteur discret mais marquant, pionnier malgré lui d’une génération d’interprètes asiatiques aux États-Unis. Dans un Hollywood encore peu ouvert à la diversité, il a su incarner, avec respect et conviction, des personnages qui faisaient le pont entre deux cultures, souvent opposées mais jamais incompatibles.

© Philippe PELLETIER