Alfred E. Green

La carrière de Alfred E. Green commence en Californie du Sud au début des années 10, alors qu’Hollywood n’en est qu’à ses balbutiements. Né le 11 juillet 1889, ce pionnier du cinéma fait d’abord l’acteur pour la Selig, une compagnie où débutent Tom Mix ou Roscoe Fatty Arbuckle. Selon les usages de l’époque, il devient bien vite assistant réalisateur, puis tourne son premier film en 1916. Il tourne alors une série de films muets, dont certains ne durent qu’une trentaine de minutes. De grands noms du muet y participent, à commencer par Mary Pickford. Ayant décidé, comme Peter Pan, de ne pas grandir, la «petite fiancée de l’Amérique» joue les petites filles, à près de 30 ans, dans «Par l’entrée de service» (1921) et même les petits garçons dans «Le petit lord Fauntleroy» (1921), que l’actrice produit d’ailleurs elle-même. D’autres stars du muet jouent sous la direction de Alfred E. Green, comme Blanche Sweet, Leatrice Joy, Coleen Moore ou encore Anna Q. Nilsson. Le réalisateur rejoint rapidement la Paramount, issue, en 1916, de la «Famous Players-Lasky» de Adolph Zukor et Jesse Lasky. Il aborde des genres divers, tournant en fait ce qu’on lui propose: la comédie de fantômes («La fin des fantômes» - 1922, avec Wallace Reid), le film familial («Un père improvisé» - 1922, avec Thomas Meighan), le rêve américain, vu par un «self-made-man» («L’horrible méprise» - 1923), ou encore le drame mondain («La fille de Montmartre» - 1925, avec Barbara La Marr).

L’arrivée du parlant ne ralentit pas une carrière abondante, durant laquelle, en près de quatre décennies, Alfred E. Green réalise plus de 100 films. Cet honnête artisan n’a pas la prétention d’être l’auteur de ses films, mais un maillon consciencieux du système des studios. Travaillant surtout, dans les années 30, pour la Warner, avant de collaborer, dans les périodes suivantes, avec d’autres grands studios, comme la Columbia, la Metro-Goldwyn-Mayer ou, à nouveau, la Paramount, le réalisateur dirige, au début des années 30, quelques films «pré-code». Le fameux code Hays n’imposant pas encore complètement sa moralité étriquée, les metteurs en scène peuvent porter à l’écran des histoires moins puritaines. Ainsi, «La route de Singapour» (1931), avec William Powell, nous montre une femme mariée séduite par les avances d’un soupirant empressé. Quant à «Liliane» (1933), avec Barbara Stanwyck, c’est le récit d’une femme ambitieuse, qui se sert des hommes pour gravir les échelons et s’enrichir. Malgré la fin convenue qui est imposée à ce dernier film, qui choque à l’époque, ces deux scénarios n’auraient pu être acceptés après 1934, date à laquelle les restrictions prévues par le code sont encore accentuées.

Alfred E. Green tourne beaucoup, et il est assez difficile de trouver une quelconque unité dans cette œuvre foisonnante, où tous les types de films sont représentés. Le réalisateur semble cependant apprécier les «biopics», comme «Le roman d’Al Jolson» (1946), avec Larry Parks dans le rôle-titre, peut-être son film le plus connu, ou «The Jacky Robinson story» (1950), avec le célèbre joueur de base-ball dans son propre rôle. On lui doit aussi des histoires exotiques, comme «Pago Pago l’île enchantée» (1940), avec Jon Hall, ou un conte des Mille et une nuits très réussi, «Aladin et la lampe merveilleuse» (1945), avec un Cornel Wilde convaincant. Il réalise aussi des westerns, comme «Sierra» (1950), avec Audie Murphy, ou des comédies musicales, comme «Monsieur Dodd prend l’air» (1937) ou «Les magiciens du swing» (1946), avec Tommy Dorsey et son orchestre. Alfred E. Green est mort le 4 septembre 1960, à Hollywood.

© Jean-Pascal LHARDY