Maggie Smith

«La notoriété est quelque chose de totalement stupide», déclarait Maggie Smith qui «menait une vie parfaitement normale» jusqu’au succès phénoménal de la série télévisée britannique créée par Julian Fellowes, «Downton Abbey» (2010/15). En dépit d’une carrière aussi longue qu’impressionnante, truffée de films célèbres. Née le 28 décembre 1934 à Ilford en Angleterre, d’une mère écossaise et d’un père anglais, professeur à Oxford, elle poursuit des études d’Art dramatique qui forgent son destin de grande comédienne shakespearienne. C’est avec un thriller de Seth Holt, «Le criminel aux abois» (1958) que Maggie Smith fait ses débuts au cinéma, installant sa carrière auprès des plus grands cinéastes, tels Joseph L. Mankiewicz dans «Guêpier pour trois abeilles» (1966) ou George Cukor dans «Voyages avec ma tante» (1972). Jouant de son tempérament malicieux, de sa distinction aristocratique et de son inégalable sens de l’humour, elle transcende ses rôles avec maints prix à la clé. Elle remporte deux Oscars, l’un de la meilleure actrice pour sa composition d’un professeur atypique et iconoclaste dans «Les belles années de Miss Brodie» (1969), de Ronald Neame, et l’autre du meilleur second rôle féminin pour «California hôtel» (1978) de Herbert Ross, qui conte les mésaventures de couples très différents dans un grand hôtel.

Un peu perverse dans «Quartet» (1980) de James Ivory, jeu malsain d’un couple envers une jeune fille solitaire, jouée par Isabelle Adjani, ou irrésistiblement comique dans «Porc royal» (1984) de Malcolm Mombray, aux côtés de Michael Palin, Maggie Smith arpente tous les genres, révélant les multiples facettes de son talent. Chaperon de Helena Bonham Carter dans «Chambre avec vue» (1985) de James Ivory, elle campe une sévère mais attachante mère supérieure du couvent où Whoopi Goldberg trouve refuge dans les deux volets de «Sister Act» de Emile Ardolino (1991), puis de Bill Duke (1993). La saga «Harry Potter» (2000/10) s’empare de cette artiste virtuose sous les traits de la sorcière Minerva McGonagall, directrice adjointe de Poudlard, professeur respecté de métamorphose et solide soutien du héros. Un rôle que l’actrice endosse courageusement tout en luttant contre un cancer du sein. Mais ni la maladie, ni l’âge n’entament la formidable énergie d’une comédienne qui, bien que vieillissante, reste constamment sollicitée et adulée. Hilarante retraitée dans «Indian Palace» (2011) de John Madden, elle compose une altière et charismatique comtesse de Trentham dans la comédie policière, couverte de louanges, «Gosford Park» (2001) de Robert Altman, prélude à «Downton Abbey».

Série télévisée de six saisons, suivie de deux films, de Michael Engler en 2018, puis de Simon Curtis en 2021, «Downton Abbey» met en scène la vie d’une famille aristocratique et de leurs domestiques, dans un château anglais au début du XXe siècle. Maggie Smith est Lady Violet, comtesse douairière de Grantham, très attachée aux traditions et soutien indéfectible de son fils et de ses petites-filles. S’amusant à jouer les aïeules acariâtres, Maggie Smith donne à ce rôle une aura unique, lui prêtant sa distinction imposante, ses réparties acerbes, son humour souvent féroce, mais aussi sa bienveillance. Une prouesse! D’un incroyable éclectisme, pouvant à la fois intimider et charmer, aussi drôle dans la vie qu’à l’écran, Maggie Smith est louée comme une artiste de légende. Mère de deux fils de son premier mariage, comblée par 23 ans de bonheur avec son grand amour retrouvé, le dramaturge et cinéaste Beverley Cross, elle s’éteint le 27 septembre 2024 à près de 90 ans… pour une dernière métamorphose.

© Isabelle MICHEL