Busby Berkeley

Justement célèbres, les chorégraphies de Busby Berkeley sont un enchantement pour l’œil. Il innove, dès le début des années 30, en plaçant sa caméra très haut. Elle capte alors des danseuses dont le tournoiement et les longs jupons évoquent la corolle d’une fleur s’ouvrant et se fermant. Ailleurs, les jambes des girls, couchées sur le dos, en cercle, imitent l’ouverture et la fermeture de l’iris d’une caméra. Autre spécialité de Berkeley: des femmes enjuponnées de blanc virevoltent en descendant un long plan incliné, dont les courbes permettent de varier les angles de prise de vue. Dans la fameuse «shadow waltz» («Gold diggers of 1933», dont Berkeley signe la chorégraphie), les danseuses, toujours filmées de très haut, tiennent des violons lumineux, qui s’assemblent pour former un immense violon, sur lequel un archet éclairé joue une mélodie. Ces figures gracieuses, faites de bras et de jambes qui, comme dans les kaléidoscopes, se rejoignent et se défont, pour composer d’autres formes, sont restées la marque de fabrique d’un talent inégalé. Le génie de Busby Berkeley s’y manifeste à chaque instant, tant dans la beauté de ces ballets aériens que dans la maîtrise de chorégraphies spectaculaires. Cette maestria s’exprime aussi dans de constants changements de perspectives et la succession de plans très complexes, qui ménagent des transitions fluides entre les plans larges, en plongée, et les séquences rapprochés.

Né le 29 novembre 1895, Busby Berkeley est, on l’aura compris, un chorégraphe dans l’âme. Il commence ainsi sa carrière à Broadway, dans les années 20, dans des spectacles comme «Rainbow», sur un livret d’Oscar Hammerstein II ou «A Connecticut Yankee», sur une musique de Richard Rodgers. C’est précédé par sa réputation à la scène que Berkeley s’installe à Hollywood. Qu’il assure la mise en scène ou ne signe que la seule chorégraphie ne fait guère de différence. Dans les deux cas, c’est bien lui le véritable auteur du film. On lui doit donc des comédies musicales, comme cette série des «Gold diggers», ces «chercheuses d’or» qui, en réalité, suivent à la trace les hommes riches. Commencée en 1933, la série se poursuit les années suivantes. On peut aussi citer, entre bien d’autres «musicals», «Place au rythme» (1939) ou «En avant la musique» (1940). Il signe aussi les numéros dansés, là encore d’une prodigieuse inventivité, de «42e rue» (1932) et «Prologues» (1933), de Lloyd Bacon et règle la chorégraphie de films comme «Kiki» (1931), de Sam Taylor, avec Mary Pickford, «Romance à Rio» (1948), de Michael Curtiz ou encore «La première sirène» (1952), de Mervyn LeRoy, avec Esther Williams.

Dans ces films à l’intrigue assez pâle, simple prétexte aux numéros chantés et dansés, le duo souvent formé par Dick Powell, crooner assez fade, et Joan Blondell, ne donne guère de relief à des comédies comme «Footlight parade» (1933), «En scène» (1936) ou encore «Gold diggers of 1937». Busby Berkeley s’essaie parfois à d’autres genres: le film romantique, avec «Le rescapé» (1937), qui conte la conversion d’un vétéran de l’armée dans l’industrie du bois, ou l’énigme policière, avec «Mon mari court toujours» (1939), avec Franchot Tone et Ann Sothern. Mais son œuvre la plus célèbre, en dehors de la comédie musicale, est une grande réussite du film noir, «Je suis un criminel» (1938), avec un John Garfield à la présence magnétique. Le film raconte l’histoire d’un boxeur injustement accusé de meurtre, qui échappe aux recherches et finit par s’occuper de jeunes en difficulté. Busby Berkeley s’est éteint le 14 mars 1976 à Palm Springs, en Californie.

© Jean-Pascal LHARDY