Louis Blanche

Certains rejetons sont parfois plus illustres que leurs géniteurs. Prenons un exemple: le nom de Louis Blanche vous dit-il quelque chose? Non? Ce n’est guère étonnant, car cet artistes est tombé dans un injuste oubli. Mais si, au patronyme Blanche, on ajoute le prénom Francis, la mémoire vous revient aussitôt. Eh oui! Louis Blanche, né le 24 septembre 1882, est le père de notre ami Francis Blanche, homme aux talents multiples et amateur de «nonsense» et d’humour noir à l’anglaise. Qui ne se souvient notamment de ses sketches avec un Pierre Dac campant un fakir coiffé d’un chapeau melon?

Louis Blanche participe d’ailleurs à certains des plus hilarants feuilletons radiophoniques animés par le duo Francis Blanche - Pierre Dac. Dans «Malheur aux barbus», diffusé en 1951 et 1952, il tient le rôle du professeur Merry Christmas (sic!), titulaire d’une chaire de barbologie analytique! On voit aussi Louis Blanche sur les scènes de théâtre, où il privilégie le genre burlesque. Dans une opérette tirée d’une des aventures d’Arsène Lupin, il joue le rôle, nullement épisodique, d’un diamantaire dévalisé par le gentleman cambrioleur. On l’applaudit aussi dans «Ouistiti roi des canassons» (1941), de Georges de Wissant, ou dans la célèbre pièce d’André Roussin, «Lorsque l’enfant paraît» ( 1951 et 1956), mise en scène par Louis Ducreux, et dans laquelle il interprète le père de André Luguet.

Quant au cinéma, Louis Blanche le découvre dès l’époque du muet, puisqu’il y commence sa carrière dès 1909, dans «J’épouse ma cousine», scénarisé par Léon Numès. Et c’est un début en fanfare, puisqu’il tient le rôle principal dans ce court-métrage comique. L’année suivante, il est garçon d’honneur dans «Une nuit de noces au village», du pionnier Georges Monca, qui fit tourner des acteurs burlesques comme Boireau ou Prince Rigadin, fort populaires à leur époque. Louis Blanche figure dans une vingtaine de films muets, jusqu’en 1925. Il joue souvent sous la direction d’un autre vétéran du cinéma muet, Georges Denola, qui lui confie notamment le rôle du domestique écossais dans deux aventures de Rocambole. Il faut bien dire que, quand le cinéma se met à parler, il ne donne guère au talent comique de Louis Blanche l’occasion de s’épanouir. Le plus souvent, il ne lui offre en effet que des «pannes», ces petits rôles insignifiants qui n’offrent, au mieux, qu’une ou deux courtes scènes au comédien. Louis Blanche est ainsi l’habilleur du ténor Jan Kiepura, dans «J’aime toutes les femmes» (1935), de Henri Decoin, un aristocrate dans le beau film de Jean Delannoy, «Pontcarral, colonel d’Empire» (1942), ou encore un croupier dans «Fou d’amour» (1943), de Paul Mesnier. Doté cette fois d’une identité, il joue les comparses dans une poignée d’autres films, comme «La pouponnière» (1932), de Jean Boyer, «Sacré Léonce» (1935), de Christian-Jaque, ou encore «Leguignon guérisseur» (1954), de Maurice Labro.

Mais le 7ème Art, même parlant, réserve parfois des surprises à notre acteur: il tient ainsi le rôle principal dans la pochade de Willy Rozier, «N’épouse pas ta fille» (1933). Le réalisateur lui réserve d’ailleurs un autre rôle notable, celui du comte de Portebault qui, dans «300 à l’heure» (1934), se présente comme un pilote automobile chevronné, pris au piège de sa vantardise. Et c’est lui qui mène l’enquête, aux côtés de son fils, dans «L’assassin est à l’écoute» (1948), de Raoul André, un film amusant, où Marguerite Moreno est très savoureuse en Mémé Renaud. Louis Blanche nous quitte le 10 avril 1960.

© Jean-Pascal LHARDY