Tay Garnett

Tay Garnett, de son vrai nom William Taylor Garnett, est né le 13 juin 1894 à à Santa Ana, en Californie. Après de sérieuses études à l’Institut Supérieur de Technologie du Massachusetts, qui lui donnent une formation en mathématiques, il s’engage, durant la 1ère Guerre Mondiale, comme officier d’aviation. Juste après le conflit, en 1919, il débute au cinéma, d’abord comme caricaturiste, puis comme gagman, chez Mack Sennett puis chez Hal Roach. Cet apprentissage de la diversité des métiers du cinéma permettra à Tay Garnett de devenir un véritable homme-orchestre: déjà scénariste de certains films de Harry Langdon, il est l’auteur des scénarios de plus de la moitié de ses films et responsable des dialogues et du montage de la plupart d’entre eux. En somme, ce que les Français nommeraient un auteur.

Ce qui frappe d’abord dans l’œuvre de Tay Garnett, ce sont ces bagarres mémorables, réglées au cordeau, avec un sens impeccable du tempo et du rythme. Et ces empoignades «à la Tay Garnett» sont, comme chez John Ford, une autre forme de l’amitié. Elles ponctuent des films vifs et pleins de sève comme «Son homme» (1930), merveille de précision et d’invention, «Chicago» (1931) avec Ricardo Cortez, qui s’achève par un véritable carnage, «La maison des sept péchés» (1940), avec, en plus, les chansons à double sens de Marlene Dietrich, ou encore «Les corsaires de la terre» (1947), où Robert Preston cherche partout sa dent, perdue dans la bagarre.

Tay Garnett sait ensuite transcender des scénarios conventionnels. C’est ainsi qu’il transforme l’exotisme un peu factice de «La malle de Singapour» (1935), avec Clark Gable et Jean Harlow, en un récit romantique prenant. Il sait aussi dessiner des personnages originaux, comme ce détective mélomane, qui trouve son inspiration au piano, incarné par Fredric March dans «La femme aux cigarettes blondes» (1938) ou cette vamp tout de blanc vêtue, Lana Turner, qui cache de noirs desseins dans le fameux «Facteur sonne toujours deux fois» (1946); il peut aussi écrire, pour le même film et pour d’autres, des dialogues brillants, qui donnent aux conversations entre Fredric March et Ann Sothern l’allure d’une comédie sophistiquée. Sa mise en scène, toujours précise, sait aussi donner du relief à des situations convenues, comme dans le film de guerre «Bataan» (1943), où ses grands travellings d’accompagnement à travers tout le décor donnent un autre sens à des situations banales. Parfois même, il s’autorise d’amples mouvements de caméra à la Max Ophüls, comme dans «Prestige» (1931).

Ce «laughing boy», comme l’appelle Frank Capra, n’a pas son pareil, enfin, pour instiller, au cœur même d’une intrigue sentimentale ou d’un récit d’aventures, comme «La malle de Singapour», cet humour percutant ou ces gags en chaîne, se répercutant tout au long de l’intrigue, qui le caractérisent. Si on doit ne se souvenir que d’un seul de ses films, c’est sans doute du merveilleux «Voyage sans retour» (1932), avec cette fin bouleversante où deux coupes de champagne se brisent toutes seules, preuve que les deux amants rencontrés sur le bateau ont honoré leur rendez-vous d’amour, mais dans la mort et une autre vie. Tay Garnett a écrit une superbe autobiographie, «Light your torches and pull up your tights» (1973), pleine, comme lui, d’amour de la vie, d’optimisme et de facéties et, aussi, une belle enquête sur ses confrères réalisateurs («Un siècle de cinéma»). Il est décédé le 3 octobre 1977, à Sawtelle, en Californie.

© Jean-Pascal LHARDY – Remerciements à Tiela ALDON GARNETT, sa fille.