Alan Rickman

Le sombre et énigmatique Severus Rogue de la saga «Harry Potter», c’est lui. Acteur, réalisateur et scénariste, Alan Rickman naît le 21 février 1946 à Londres, au sein d’une famille modeste mais unie, entouré de deux frères et une sœur. Avec un visage capable de susciter la tendresse comme la crainte, une distinction toute britannique, une voix très travaillée, héritée d’un problème d’élocution durant l’enfance, il a quelques atouts pour se forger un destin d’artiste. Son talent fait le reste. Il n’a que 7 ans, lorsqu’il se découvre une vocation de comédien, en décrochant le premier rôle d’une pièce donnée à son école. Sa fibre pour l’art dramatique ne le quitte plus, bien qu’il choisit de suivre une formation de graphiste. Il y gagne la rencontre avec celle qui va partager sa vie, Rima Horton. Rattrapé par son amour du théâtre, il devient membre de la «Royal Shakespeare Company» et y triomphe dans l’adaptation des «Liaisons dangereuses», de Choderlos de Laclos, par sa brillante interprétation du libertin Valmont. La pièce est un tel succès qu’elle franchit l’Atlantique pour être produite à New York. Une traversée salutaire!

Alan Rickman a un peu plus de 40 ans lorsque le cinéma vient à lui avec un film d’action américain «Piège de cristal» (1987) de John McTiernan, aux côtés de Bruce Willis. Il y campe avec un tel réalisme le diabolique chef des terroristes, Hans Gruber, que la critique le classe parmi les plus grands méchants de l’histoire du cinéma. Avec en prime la stupeur non simulée de se voir jeté dans le vide une seconde trop tôt, lors de la cascade de sa chute finale du haut d’une tour qu’il accepte de tourner lui-même. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître! L’acteur, à peine lancé, enchaîne les tournages et cumule les prix dès «Truly madly deeply» (1989), de Anthony Minghella, pour son jeu remarquable de mari fantôme. Très investi dans ses rôles, il ne les accepte que s’il a carte blanche pour les interpréter. Une exigence d’homme de théâtre. C’est le cas pour le film de Kevin Reynolds «Robin de Bois, prince des voleurs» (1990), avec Kevin Costner, dans lequel il incarne un redoutable shérif de Notthingham. Mais il est aussi convaincant en mari trompé dans «Close my eyes» (1991) de Stephen Poliakoff, avec Clive Owen, qu’en médecin controversé dans la Vienne du XVIIIème siècle dans «Mesmer» (1993) de Roger Spottiswoode. Fort de ses succès, Alan Rickman se joint à Emma Thompson, Kate Winslet, Hugh Grant, pour interpréter l’attachant colonel Brandon dans le film de Ang Lee, «Raison et Sentiments» (1995), inspiré du roman de Jane Austen. Curieux de se retrouver de l’autre côté de la caméra, il réalise et signe le scénario de «L’invitée de l’hiver» (1996), film sensible, et largement ovationné, sur des êtres épris de vie mais confrontés à la mort. Prolifique, il réendosse ses habits d’acteur pour d’autres rôles phares, du mari infidèle dans «Love Actually» (2003) de Richard Curtis, à époux âgé et malade dans «Une promesse» (2012) de Patrice Leconte. Et n’en reprend pas moins écriture et caméra pour «Les jardins du roi» (2013).

Mais surtout, Alan Rickman revêt le costume noir d’un personnage clé de la saga «Harry Potter», écrite par J.K. Rowling, le professeur Severus Rogue, aussi ambigu que décisif dans le cours de l’histoire. De 2000 à 2010, l’acteur se plonge avec passion dans l’univers fantastique de ce roman, décliné en sept films, qui lui fait dire «qu’il n’y a rien de plus beau qu’un enfant perdu dans un livre». Insatiable jusqu’au bout, au cinéma comme au théâtre, Alan Rickman, atteint d’un cancer du pancréas, décède à Londres le 14 janvier 2016. «Acteur magnifique et homme merveilleux» pour tous ceux qui l’ont côtoyé.

© Isabelle MICHEL