Philip Ahn

Avec Anna May Wong ou Keye Luke, qui, dans une série de films produits par la Fox, dans les années 30, jouait le fils du célèbre détective Charlie Chan, Philip Ahn fut l’un des principaux acteurs asiatiques du cinéma hollywoodien de cette époque. D’ascendance coréenne, il naît en 1905 à Los Angeles. Durant un temps, il s’essaie à la riziculture, mais sans succès. S’étant rendu, avec ses camarades de lycée, sur le plateau du célèbre film, «Le voleur de Bagdad» (1924), de Raoul Walsh, il en rencontre la vedette, le sémillant Douglas Fairbanks, alors au zénith de sa popularité. C’est peut-être là, sous l’égide du bondissant acteur, que naquit une vocation qui devait durer toute une vie.

Avec Richard Loo, on lui confie, durant la guerre, des rôles de militaires japonais sadiques. Aucun des deux ne venait du pays du Soleil Levant, mais les producteurs d’Hollywood ne s’embarrassent pas de tels détails. Ni les spectateurs, qui voient alors dans les yeux bridés des acteurs la marque naturelle de la félonie. Il incarne ainsi un cruel officier japonais qui, dans «L’aventure commence à Bombay» (1941), de Clarence Brown, attaque un convoi de réfugiés qui, sous la conduite de Clark Gable, évacue une province chinoise envahie par les troupes japonaises. L’acteur a d’autres rôles semblables dans «Submarine raiders» (1942), de Lew Landers ou encore «Face au soleil levant» (1943), de Edward Dmytryk. On continue d’ailleurs à lui confier des rôles de militaires, notamment dans des films consacrés à la Guerre de Corée, comme «Les vainqueurs de Corée» (1952), de Lesley Selander, où il endosse le rôle d’un chef de la guérilla ou «Le cirque infernal» (1953), de Richard Brooks, où il incarne un prisonnier.

Mais, heureusement pour lui, Philip Ahn n’est pas cantonné à ces rôles de militaires, souvent brutaux. Quand le scénario ne le confine pas à de simples silhouettes, pas même créditées au générique, il a souvent l’occasion d’incarner des personnages plus sympathiques. Ainsi, dans «Stowaway» (1936), de William A. Seiter, il est l’ami d’une orpheline, Shirley Temple, vivant dans une mission chinoise. Il incarne aussi un dentiste, prêt à soutenir le projet de culture du coprah que Burt Lancaster entend développer en Océanie. À deux reprises, dans «La fille de Shanghai» (1937), de Robert Florey et «Le roi de Chinatown» (1939), de Nick Grinde, il partage la tête d’affiche avec Anna May Wong. Pour la première fois, Hollywood confie des rôles principaux à des acteurs d’origine asiatique. Le couple qu’ils forment à l’écran fera ainsi date dans l’histoire du cinéma.

La carrière de Philip Ahn à la télévision est tout aussi fournie. Son rôle le plus célèbre est celui d’un maître en arts martiaux dans la série «Kung fu» (1972/75), avec David Carradine en vedette. Durant plus de deux décennies, de 1953 à 1978, Philip Ahn apparaît dans bien d’autres séries, comme «Jungle Jim» (1956), «Les aventures de Rin Tin Tin» (1959), «Au nom de la loi» (1960) «Bonanza» (1960/64) ou encore «Hawaï police d’Etat» (1968). Inspiré par l’exemple de son père, qui milita pour l’indépendance d’une Corée alors occupée par le Japon, Philip Ahn resta toujours fidèle à ses origines. Il contribue ainsi au jumelage de Los Angeles avec Busan et s’investit dans l’installation, toujours à Los Angeles, de la cloche coréenne de l’amitié, un monument symbolisant les bonnes relations unissant les USA et la Corée du Sud. Gastronome averti, l’acteur ouvre aussi un restaurant chinois qui rencontre un grand succès.

© Jean-Pascal LHARDY