Nelson Eddy

Il fut un temps où les ténors ne donnaient pas seulement de la voix sur les scènes d’opéra. Ils poussaient aussi la romance à l’écran. Les producteurs, en effet, font des ponts d’or à Jan Kiepura ou à Mario Lanza, dont les films, autant que les chansons, séduisent un public fervent. Au firmament d’Hollywood brille une autre star à la voix d’or, Nelson Eddy. Né le 29 juin 1901 à Providence, il forme avec la «reine de la chanson», Jeanette MacDonald, un des couples les plus populaires du cinéma. Entre le chanteur au physique un peu lisse et la ravissante diva à la voix de rossignol, lui toujours en habit ou uniforme et elle en robe de dentelle blanche, naissent des amours convenables et un peu compassées.

Mais le public n’en a cure. Nelson Eddy ne se soucie pas davantage des minces intrigues de films qui ne sont que prétextes à faire entendre des refrains appelés à devenir des succès. Ainsi, les spectateurs de «La fugue de Mariette» (1935), de Robert Z. Leonard et W.S. Van Dyke, fredonnent «Neath the southern moon», de Victor Herbert, le compositeur de l’opérette dont s’inspire le film ou se pâment en écoutant le duo susurrer «Indian love call», l’une des chansons fétiches de la célèbre opérette «Rose Marie», de Oscar Hammerstein II, dont W.S. Van Dyke tire un film homonyme en 1936. Le couple d’artistes tournent ensemble huit films au total, de 1935 à 1942. Les scénarios n’ont donc d’autre but que de mettre en valeur les performances vocales de leurs deux protagonistes principaux. Qu’importe qu’il soit étudiant, comme dans «Maytime» (1937), de Robert Z. Leonard, mauvais garçon, dans «La belle cabaretière» (1937), du même cinéaste, ou professeur de musique, dans «Chante mon amour» (1940), de W.S. Van Dyke, il finit toujours par déclarer sa flamme, en musique, bien sûr, à la belle Jeanette. À en croire certains auteurs, la romance à l’écran se poursuit dans la vie, même si les règles de fer des studios d’alors empêchent les deux stars, déjà mariées, de divorcer pour vivre leur amour au grand jour.

Nelson Eddy a cependant d’autres partenaires à l’écran, comme Eleanor Powell, la reine des claquettes, avec qui il tourne «Rosalie» (1937), de W.S Van Dyke (dans lequel il incarne un joueur de football s’éprenant d’une princesse), Susanna Foster, une actrice et chanteuse alors populaire, qu’il retrouve dans «Le fantôme de l’opéra» (1943), de Arthur Lubin, tiré du célèbre roman de Gaston Leroux, où Nelson Eddy interprète un baryton, amoureux de la doublure de la diva et le génial Claude Rains le fameux fantôme. Après avoir tourné, sous la direction de Allan Dwan, «Poste avancé» (1947), où il incarne un militaire qui, dans la Californie du début du XIXe siècle, dirige un fort russe (des fonctions qui ne l’empêchent pas de pousser la chansonnette!), il se retire des écrans.

Mais il a d’autres cordes à son arc. Depuis le milieu des années 30, il enregistrait des disques, ce qu’il continue à faire jusqu’à sa mort. À son répertoire, on trouve aussi bien ses grands succès de l’écran que des refrains populaires, de la musique folk ou des chansons de Noël. Il poursuit aussi sa carrière sur scène. Après avoir participé à la création américaine d’«Ariane à Naxos», de Richard Strauss, en 1928, et chanté à l’occasion de la première de «Maria Egiziaca», un opéra d’Ottorino Respighi, à Carnegie Hall, à la Noël 1931, il paraît, jusqu’au milieu des années 60, sur d’autres scènes, ne dédaignant pas même celles des cabarets. Nelson Eddy s’éteint le 5 mars 1967 en Floride, des suites d’une hémorragie cérébrale .

© Jean-Pascal LHARDY