![]() 1962 Le soupirant – de Pierre Etaix avec Denise Perronne, Claude Massot, Pierre Etaix & Pierre Maguelon | ![]() 1964 Yoyo – de Pierre Etaix avec Claudine Auger, Pierre Etaix, Philippe Castelli & Martine de Breteuil | ![]() 1966 Tant qu’on a la santé – de Pierre Etaix avec Véra Valmont, Pierre Etaix, Claude Massot & Denise Perrone | ![]() 1968 Le grand amour – de Pierre Etaix avec Annie Fratellini, Pierre Etaix & Nicole Calfan | ||
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Né le 23 novembre 1928 à Roanne, Pierre Etaix est l’un de nos plus grands talents comiques. Son cinéma s’inscrit dans la veine des grands maîtres du muet, comme Charles Chaplin ou Buster Keaton, et de Jacques Tati, pour lequel il travaille (il est gagman et assistant réalisateur pour «Mon oncle»). Dans ses films, en effet, le geste prime toujours sur le mot et le son est toujours en contrepoint d’une situation d’où surgit le comique. Ainsi, dans une scène de «Le soupirant» (1962), ce n’est pas le dialogue (d’ailleurs absent) qui rend drôle ce flirt à trois personnages, mais le ballet des chaussures sous la table. Si les mots ne jouent guère de rôle, ce n’est pas le cas du bruitage qui, comme chez Tati, renforce l’effet comique. Le public rit davantage si, en tombant sur la tête de quelqu’un, la planche fait un «poc» bien sonore.
Pierre Etaix est un artiste complet. Dessinateur et affichiste, il se produit aussi sur la scène des cabarets parisiens. En dehors du cinéma, il a une autre passion, le cirque, qu’il partage avec sa femme, Annie Fratellini, issue d’une grande famille de la piste. Tous deux fondent une école, dans les années 70, et montent leur propre chapiteau. Pierre Etaix y apparaît sous les traits du clown «Yoyo», un personnage fétiche qu’il a d’abord créé au cinéma, en 1964, dans un film du même nom. Dans ce film, hommage ému et souriant au cirque, les gags abondent: le laquais prenant ses aises et vidant les bouteilles de son maître, Philippe Castelli, croyant que l’éléphant (de cirque) vu à la fenêtre est une hallucination; Annie Fratellini, voulant faire passer une bouteille de lait à son mari, Pierre Etaix, qui conduit, à petite allure, l’antique guimbarde tirant leur roulotte, la dépose sur le chapeau d’un pêcheur à vélo, qui les dépasse. Et, dans tout ceci, pas un mot, l’humour naissant de gestes à la fois quotidiens et incongrus. Comme Jacques Tati, Etaix sait détourner les objets familiers de leur usage habituel pour en faire des vecteurs du comique.
Dans son film suivant, «Tant qu’on a la santé» (1966), le cinéaste continue de préférer le son aux paroles. On se souvient ainsi de cette scène hilarante, dans laquelle les vibrations d’un marteau-piqueur disloquent le kiosque d’une marchande de journaux, font sauter les pions d’un damier de jeu d’échecs et vident le contenu d’un verre de vin avant que le consommateur ait eu le temps d’y goûter. Peu spectaculaires, mais fruits d’une observation aiguë de la vie quotidienne, les gags naissent d’un rien: le bruit sonore d’une dame qui se mouche à une messe de mariage, et qui provoque le mécontentement du suisse en grand uniforme dans «Le grand amour» (1968), ou, dans le même film, la jeune pensionnaire modèle qui, en sortant du couvent où on l’a élevée, allume une cigarette; la multiplication des panneaux, qui prescrivent et interdisent, dans «Pays de Cocagne» (1970), critique amusante mais incisive de la société de consommation; ou encore le client sortant de chez le coiffeur sa serviette au cou et du savon à barbe sur le visage pour déplacer sa voiture dans le court-métrage «Heureux anniversaire» (1961).
Poétiques et quasiment muets, les films de Pierre Etaix ne sont pas dans l’air du temps. Comme Jacques Tati, le réalisateur ne trouve pas son public et décourage les producteurs. Après avoir tourné six films en dix ans, il interrompt, au début des années 70, une carrière qui ne reprendra jamais vraiment. Malgré les hommages et les honneurs tardifs, il partage le destin amer des créateurs incompris, dont l’œuvre n’est reconnue qu’après leur mort. Dans le cas de Pierre Etaix, elle survient le 14 octobre 2016.
© Jean-Pascal LHARDY

1957 | Mon oncle – de Jacques Tati
avec Jean-Pierre Zola
+ décors & assistant réalisateur |
1959 | Pickpocket – de Robert Bresson avec Martin Lassalle |
1960 | Tire au flanc 62 – de Claude de Givray avec Ricet-Barrier |
1961 | Une grosse tête – de Claude de Givray
avec Alexandra Stewart
CM Rupture – de Pierre Etaix avec Anny Elsen + scénario CM Heureux anniversaire – de Pierre Etaix avec Laurence Lignières + scénario & production Oscar du meilleur court métrage de fiction, USA |
1962 | Le soupirant – de Pierre Etaix
avec Denise Perronne
+ scénario Prix Louis Delluc, France CM Le pèlerinage – de Jean L’Hôte avec Danièle Delorme |
1963 | CM Insomnies – de Pierre Etaix
avec Laurence Gallimard
+ scénario |
1964 | Yoyo – de Pierre Etaix
avec Claudine Auger
+ dialogues & scénario Prix de la Jeunesse au festival du cinéma de Cannes, France Prix OCIC au festival du cinéma de Cannes, France |
1966 | Tant qu’on a la santé – de Pierre Etaix
avec Hélène Dieudonné
+adaptation, dialogues & scénario Coquille d’Argent au festival international du cinéma de San Sebastián, Espagne |
1966 | Le voleur – de Louis Malle avec Jean-Paul Belmondo |
1968 | Le grand amour – de Pierre Etaix
avec Annie Fratellini
+ dialogues & scénario |
1970 | Les clowns ( i clowns ) de Federico Fellini
avec Victor Fratellini
DO Pays de Cocagne – de Pierre Etaix Seulement réalisation, scénario & apparition |
1971 | CM En pleine forme – de Pierre Etaix
avec Robert Blome
+ dialogues & scénario |
1972 | Le jour où le clown pleura ( the day the clown cried ) de Jerry Lewis
avec Harriet Andersson
TV Aujourd’hui à Paris – de Pierre Tchérnia avec Robert Dhéry Seulement scénario |
1974 | Sérieux comme le plaisir – de Robert Benayoun avec Jane Birkin |
1978 | CM Noctuor – de Philippe Arthuys & Jean Jourdan avec Michel Azama |
1985 | Max mon amour ( Makkusu, mon amûru / マックス、モン・アムール ) de Nagisa Oshima avec Charlotte Rampling |
1987 | Nuit docile – de Guy Gilles
avec Françoise Arnoul
TV Souris noire – de Pierre Etaix avec Vanessa Guedj Série – Seulement réalisation de l’épisode « Le rapt » |
1988 | L’âge de monsieur est avancé – de Pierre Etaix
avec Jean Carmet
+ pièce & scénario CM Méliès 88 : Rêve d’artiste – de Pierre Etaix avec Christophe Malavoy Seulement réalisation |
1989 | J’écris dans l’espace – de Pierre Etaix
avec Valeria Bruni Tedeschi
Seulement réalisation & scénario |
1990 | Henry et June ( Henry & June ) de Philip Kaufman avec Uma Thurman |
1995 | Leçon de vie – de Boris Lehman
avec Henri Colpi
Seulement costumes |
2005 | Jardins en automne – de Otar Iosseliani avec Michel Piccoli |
2007 | Lucifer et moi – de Jean-Jacques Grand-Jouan avec Jean-François Balmer |
2008 | Micmacs à tire-larigot – de Jean-Pierre Jeunet avec Dany Boon |
2009 | Chantrapas – de Otar Iosseliani
avec Bulle Ogier
DO Pierre Etaix, naturellement – de Odile Etaix avec Jean-Claude Carrière |
2010 | Le Havre – de Aki Kaurismäki
avec Jean-Pierre Darroussin
CM En pleine forme – de Pierre Etaix avec Robert Blome + scénario |
2011 | DO Pierre Etaix, un destin aminé – de Odile Etaix avec Jerry Lewis |
2014 | Chant d’hiver – de Otar Iosseliani avec Mathieu Amalric |
2016 | DO Jerry Lewis: Clown rebelle ( Jerry Lewis: The man behind the clown ) de Gregory Monro
avec Jerry Lewis
Seulement apparition |
AUTRES PRIX : | |
Prix Médaillon d’Argent au festival du cinéma de Telluride, Colorado, USA ( 2011 ) |