Frédéric Mitterrand

Que retenir de Frédéric Mitterrand? Sa voix singulière? Sa parenté avec un ancien président de la République? Son goût pour la télévision? Sa plume d’écrivain? Tout cela, mais surtout son amour du cinéma et de la culture. Frédéric Mitterrand naît le 21 août 1947 à Paris. Son père, Robert, est un haut fonctionnaire, frère du Président François Mitterrand. Le cinéma, il l’appréhende avec engouement dès l’âge de 12 ans, sous le nom de Frédéric Robert, dans un film de Alex Joffé, qui plonge la France dans la tourmente de la Guerre, «Fortunat» (1960), auprès de Michèle Morgan et de Bourvil. Le jeune garçon n’en poursuit pas moins de solides études. Diplômé de Sciences-Po, il s’oriente vers l’enseignement qu’il quitte en 1971 pour diriger et racheter la salle de cinéma l’«Olympic». Si ses programmations sont de qualité, sa gestion est désastreuse et il jette l’éponge en 1986. Parallèlement, Frédéric Mitterrand tente une carrière d’acteur. Majordome dans «Le triangle écorché» (1974) de Pierre Kalfon, publicitaire dans «Les conquistadores» (1975) de Marco Pauly, employé de banque dans «Roberte» (1977) de Pierre Zucca, ou encore consultant dans «Merry-go-round» (1977) de Jacques Rivette, il n’est pas davantage crédible en membre de l’OAS dans «La mémoire courte» (1978) de Edouardo de Gregorio. Il est plus à son aise en présentateur télé, dans «Jeux d’artifices» (1987) de Virginie Thévenet et s’amuse à incarner Dieu dans la comédie fantastique de Arthur Joffé «Que la lumière soit» (1997).

Frédéric Mitterrand est plus inventif derrière la caméra et dans l’écrit. En 1981, il réalise un poétique documentaire, «Lettres d’amour en Somalie», journal intime d’un homme qui décrit un pays et parle avec nostalgie de l’être aimé. Prolifique à la télévision, il conçoit et anime maintes émissions, notamment sur les stars du 7ème Art, dans «Étoiles et toiles» (1981/86), parmi tant d’autres autour du monde artistique, ponctuant de sa voix nasale et traînante un «bonsoir» devenu légendaire. Fasciné par les destins tragiques, les célébrités royales, les personnages historiques remarquables, Frédéric Mitterrand signe de grandes réalisations, tels «Les aigles foudroyés» (1997), évoquant la vie des dynasties européennes. Il consacre à l’opéra «Madame Butterfly» (1995) un film qui conte fidèlement la passion tragique d’une jeune geisha pour un officier américain à Nagasaki. Et définitivement éclectique, il se penche avec la même verve sur la vie de l’écrivain russe Tolstoï, dans «La délivrance de Tolstoï» (2003), que sur celle d’un acteur qu’il adule, Brad Pitt, dans son livre «Brad» (2023).

Omniprésent sur la scène médiatique, Frédéric Mitterrand est nommé par le président Nicolas Sarkozy à la tête de l’Académie de France à Rome, «Villa Médicis» (2008), puis ministre de la culture et de la communication, poste qu’il occupe de 2009 à 2012. Une expérience qui se révèle aussi prestigieuse que préjudiciable à un retour à ses premières amours de conteur d’histoires. S’il n’entre pas, à regret, à l’Académie française, il est élu en 2019 à l’Académie des beaux-arts, y succédant à Jeanne Moreau dans le registre cinéma et audiovisuel. Cet homme de culture, à l’humour mordant, n’a jamais caché son homosexualité et son goût pour le tourisme sexuel, qu’il dévoile, non sans polémique, dans son livre intimiste «La mauvaise vie» (2005). Père de trois fils, dont deux adoptés en Tunisie, Frédéric Mitterrand décède le 21 mars 2024 des suites d’un cancer. Personnalité atypique, inclassable, il laisse une forte empreinte sur la culture française. Un mythe errant désormais entre les étoiles…

© Isabelle MICHEL