Idriss Diabaté

C’est à Duékoué, dans la région ivoirienne du Guémon, que Idriss Diabaté voit le jour le 1er janvier 1948. Le pays est alors un territoire d’outre-mer Français. Ses parents sont originaires d’Odienné, petite ville du nord-ouest du pays proche du Mali et de la Guinée. Ils sont venus s’installer à Duékoué où son père, Youssoufou Diabaté, créé une plantation de café, alors que sa mère Fatoumata tient un petit commerce de sel et de lampes à pétrole. Elève studieux, il est titulaire d’une thèse de 3ème cycle en communication pour le développement en milieu rural.

En 1987, à la demande de Sidiki Bakaba, Idriss Diabaté est engagé comme premier assistant réalisateur pour le tournage des «Guérisseurs», Bakaba réalise et interprète un jeune cadre de l’Afrique occidentale qui se laisse prendre au mirage de la réussite financière, trop spectaculaire pour être honnête. Idriss Diabaté enseigne alors l’audiovisuel à l’Institut National des Arts et l’Action Culturelle (INSAAC) d’Abidjan. Il est aussi chercheur associé au Centre d’enseignement, de recherche en Communication (CERCOM) de l’université d’Abidjan.

C’est au milieu des années 90 que Idrissa Diabaté entame une fructueuse carrière de documentariste, principalement sur des faits de sociétés en Afrique. Après le documentaire «Archipel» (1996), coréalisé avec Gérard Bellanger et Christian Mercier de Beaurouvre, il réalise «Le Doso N’goni», sur la pratique de cet instrument à cordes qu’utilise la confrérie des chasseurs Malenkés en pays Mandingue. Dès lors, il ne va cesser de tourner à un rythme soutenu jusqu’à la fin de sa vie. Parmis ses œuvres les plus marquantes, nous pouvons citer «Abidjan des enfants» (1999) où il montre des enfants démunis exerçant des petits boulots pour survivre; il filme au travail le peintre béninois Ludovik Fadaïro vivant à Abidjan dans «Parole sans parole» (2004); «La femme porte l’Afrique» (2008), portraits de quatre femmes ivoiriennes et une Burkinabèe qui travaillent parfois jusqu’à dix heures par jour, un film plusieurs fois primés; «Bois sacré du professeur Aké Assi» (2011), plaidoyer pour aider le Professeur Aké Assi à faire avancer la cause de la botanique en Côte d’Ivoire, au service de la conscience écologique; «Ivoire clair» (2014) des interviews, réactions, points de vue des intellectuels et hommes politiques ivoiriens sur la crise ivoirienne vue de l’intérieur; «Eloge des mils, l’héritage africain» (2017), une ode à la biodiversité autour du mil, sur l’importance de la préservation et de la conservation des semences dans l’agriculture paysanne, contre l’arrivée du coton, du maïs et des engrais chimiques; «Mils, céréales du futur» (2019), nous conduit hors d’Afrique, notamment dans le sous-continent indien où les communautés rurales se sont organisées pour défendre et valoriser les nombreuses variétés de ces cultures nourricières.

En juin 2022, Idriss Diabaté est hospitalisé pour une opération du cerveau. À peine remis sur pieds, il part à Abidjan pour présenter son dernier film «Sans partis» (2021). Lors de son retour en France, sa santé décline. C’est auprès de sa femme, l’architecte d’intérieur Valérie Faugeras, qu’il décède le 23 février 2023. Les obsèques du cinéaste ont lieu le 8 mars au cimetière parisien du Père Lachaise puis, le lendemain, son corps est rapatrié en Côte d’Ivoire. Ce jour-là, la France célèbre la «Femme», ce qui aurait certainement plut au réalisateur de «La femme porte l’Afrique».

© Philippe PELLETIER