Susi Lanner

Susi Lanner voit le jour sous le nom de Meta Reif, le 27 août 1911, à Vienne encore capitale de l’immense empire multiculturel austro-hongrois dirigé par le vieil Empereur François-Joseph, qui entre dans sa soixante-quatrième année de règne. Après la Première Guerre mondiale, Meta Reif grandit dans un pays enclavé, réduit au huitième de son territoire de 1914, complètement ruiné et où s’installe difficilement un régime républicain malmené par des extrémistes des deux bords. Très jeune, Meta suit des cours de danse et de comédie. Ce qui va lui permettre de passer des planches au grand écran en 1932.

Devenue Susi Lanner, elle tourne d’abord dans son pays natal: «Hochzeitsreise zu dritt» (Voyage de noces à trois) sous la direction de Joe May et Erich Schmidt, à partir d’un scénario de Ernest Marischka, avec Brigitte Helm, la Maria-femme-robot de «Metropolis» de Fritz Lang. La fraîcheur de ses vingt et un ans, ses cheveux bouclés et son radieux sourire la font fort apprécier du public. Elle joue surtout des comédies légères, souvent musicales, pleines d’humour et de charme à l’image de ces Germains du sud que sont les Autrichiens. Mais, en 1933, ses compatriotes ont bien besoin d’oublier la triste réalité de leur pays alors que des combats de rue éclatent à Vienne et dans les grandes villes. Elle est ainsi Mitzi dans «Abenteuer am Lido» (Aventure au Lido) de Richard Oswald, puis la duchesse Vera de «Unser Kaiser» (notre Empereur) réalisé par Jacob et Luise Fleck, Karl Ehmann, interprétant le rôle titre. En 1934, l’année de l’assassinat du chancelier autrichien Engelbert Dollfuss par des pronazis, Susi Lanner poursuit sa carrière avec quatre films produits en Allemagne dont deux dirigés par Georg Jacoby, l’un des découvreurs de Marlene Dietrich au temps du muet. Elle retrouve le réalisateur, en 1935, pour le mélodrame «Herbstmanöver» (Manœuvres d’automne) avec Hans Söhnker. En 1936, elle joue une dame d’honneur dans «Das Schönheitsfleckchen» filmé par Rolf Hansen, sur un scénario de Carl Froelich à partir d’une nouvelle d’Alfred de Musset «La Mouche», tandis que Lil Dagover est la marquise de Pompadour et Leopold von Ledebur, le roi Louis XV. La même année, elle campe la jeune Maria, prise dans la tourmente de la révolution russe de 1917 dans le film «Der Weg nach Shanghai» (La route de Shanghai). Elle est dirigée par Paul Wegener, le réalisateur de l’un des très beaux films expressionnistes allemands «Le Golem». Se trouvent aussi dans la distribution, Pola Negri, la grande actrice polonaise, vamp du cinéma muet, ainsi que l’Autrichien Gustav Diessl. Avec «Ungeküsst soll man nicht schlafen gene», Susi tourne de nouveau en Autriche une comédie enjouée de E.W. Emo avec la comédienne viennoise Liane Haid. L’actrice apparaît encore dans deux films en 1937. Puis elle épouse un industriel nord-américain et quitte l’Europe pour les Etats-Unis où elle poursuit, quelques mois, une courte carrière théâtrale. Pendant ce temps le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg, convoqué par le Führer à Berchtesgaden, doit démissionner, les troupes allemandes pénètrent en Autriche et par «l’Anschluss» du 13 mars 1938, le pays est rayé de la carte de l’Europe.

Avec seulement cinq ans de parcours cinématographique, mais une quinzaine de films, qui sans être des chefs d’œuvre, ont toujours étés des succès, Susi Lanner quitte définitivement le monde du spectacle dès la fin des années trente. Elle décède en toute discrétion le 16 mars 2006, à Dobbs Ferry, dans l’état de New-York aux Etats-Unis, dans sa quatre-vingt quinzième année.

© Caroline HANOTTE