Gena Rowlands

«Amour, gloire et beauté»: trois mots qui résument le fabuleux destin de l’actrice américaine Gena Rowlands, qui voit le jour le 19 juin 1930 dans le Wisconsin au sein d’une famille d’origine galloise. À l’âge de 20 ans, fan de Bette Davis, elle interrompt ses études, part à New York pour se former à l’Art dramatique et fait ses débuts sur les planches. Un coup de foudre scelle une destinée dès lors toute entière vouée au Septième Art. Elle fait la connaissance d’un comédien et cinéaste en herbe, John Cassavetes, qu’elle épouse et dont elle devient la muse inspirée. Abordant le cinéma avec «L’amour coûte cher» (1958) de José Ferrer, dont elle tient la vedette, Gena Rowland est tout de suite happée par les films que tourne son mari au talent prometteur. Dix films vont les réunir, dont sept réalisés par John Cassavetes qui offre à sa blonde et charismatique égérie «les plus beaux rôles dont une actrice puisse rêver».

Révélée en call-girl pleine d’empathie dans «Faces» (1968), Gena Rowlands triomphe dans «Une femme sous influence» (1974), se métamorphosant en une mère de famille, Mabel, rongée par ses angoisses et frôlant la folie. Les récompenses pleuvent, dont le Golden Globe de la meilleure actrice, pour la performance d’une artiste virtuose. Dans «Opening night» (1977), de et avec John Cassavetes, autre pépite, Gena Rowlands se pare en comédienne de théâtre qui, assistant à la mort d’une admiratrice, surmonte son désarroi pour sauver la pièce dans laquelle elle joue. Héritant du rôle de «Gloria» (1979), que refuse Barbra Streisand, dans le thriller signé John Cassavetes, la comédienne, révolver à la main, défie la mafia dans une course-poursuite haletante pour protéger le fils d’une amie. Une prouesse dont les juteuses recettes viennent renflouer les finances du cinéaste. John ne rechigne pas, par souci d’économie, à tourner ses longs métrages à domicile, avec ses amis fidèles Peter Falk, Seymour Cassel et Ben Gazzara, ni à utiliser des pans de la vie privée du couple. Il est adepte d’un cinéma authentique, où réalité et fiction s’entremêlent. Le jeu des acteurs, libres d’improviser, n’en est que plus spontané. Gena Rowlands et John Cassavetes, dans un film de l’acteur «Torrents d’amour» (1983), jouent avec justesse deux êtres désemparés, frère et sœur, qui se rapprochent pour se consoler de leurs déboires conjugaux. Gena excelle à s’identifier à ses personnages, témoignant que nous avons tous en nous «un petit bout de chacun des autres». Légère infidélité à son pygmalion, l’actrice cède à Woody Allen pour donner la réplique à Mia Farrow dans une belle interprétation d’une intellectuelle sûre d’elle qui se remet en question au contact d’une femme en plein désespoir, dans «Une autre femme» (1988).

1989 marque une rupture tragique dans ce tourbillon de lauriers. John Cassavetes décède, atteint d’une cirrhose du foie. Une perte, pas seulement pour Gena, mais aussi pour le cinéma. «John était unique en son genre. Il avait une vision très spécifique de la vie et de l’individualité des gens». Entre cinéma, télévision et théâtre, toujours sollicitée et portée par ses trois enfants, tous dans le cinéma, Gena Rowlands poursuit une carrière gratifiée d’un oscar d’honneur en 2015. Sous la direction de son fils, Nick Cassavetes, elle confirme sa renommée en interprétant une femme qui sombre dans la démence dans «N’oublie jamais» (2002). Ironie du sort, Gena Rowlands, atteinte de la maladie d’Alzheimer, s’éteint le 14 août 2024, âgée de 94 ans. Son métier d’actrice lui a fait vivre plusieurs vies, comme elle s’en émerveillait. Ne manquait que la vie éternelle…

© Isabelle MICHEL