Norman Lloyd

Sur près d’un siècle, l’acteur, réalisateur et producteur américain Norman Lloyd a voué sa vie au cinéma, qu’il soit devant ou derrière la caméra. Né Norman Perlmutter à Jersey City, aux États-Unis, le 8 novembre 1914, au sein d’une famille juive venue des pays de l’Est, il est très tôt attiré par l’univers artistique et fait ses premières armes au théâtre dans les années 1930. Il y rencontre Elia Kazan, Joseph Losey et Orson Welles, sous la direction duquel il joue le poète Cinna dans «César» (1937), d’après la pièce de Shakespeare. Son jeu théâtral séduit Alfred Hitchcock qui le choisit pour interpréter dans « Cinquième colonne» (1942) l’agent nazi que poursuit le héros accusé de sabotage à sa place. Une première apparition sur grand écran mémorable qui se solde par une chute vertigineuse du haut de la statue de la Liberté! Loin d’enterrer l’acteur, cette scène le révèle et scelle une longue et fructueuse amitié entre lui et le maître du suspense. Les tournages s’enchaînent pour Jean Renoir dans «L’homme du Sud» (1945), une ode à la terre dans l’arrière-pays californien, ou encore pour Alfred Hitchcock dans son thriller psychanalytique «La maison du docteur Edwardes» (1945), parmi d’autres.

Norman Lloyd se coule dans tous les rôles. Soldat dans le film de guerre de Lewis Milestone «Commando de la mort» (1945), il revêt le costume révolutionnaire dans «Le livre noir» (1949) de Anthony Mann, ou commet un hold-up dans «Menace dans la nuit» (1951) de John Berry. Les plus grands cinéastes sont séduits par son visage spirituel, son jeu pénétrant, sa voix imposante. Charlie Chaplin, auquel il voue une profonde admiration, lui fait jouer un chorégraphe dans son mélodrame «Les feux de la rampe» (1952), histoire d’un ancien clown de music-hall devenu alcoolique qui sauve du suicide une jeune ballerine. L’acteur se passionne aussi pour la réalisation qu’il met au service du petit écran. Et s’associe à Alfred Hitchcock, qui le soustrait à la liste noire des artistes suspectés de communisme, pour une série concoctée par le maître du frisson «Alfred Hitchcock présente» (de 1958 à 1962).

Retour au métier d’acteur dans des films, comme «Audrey Rose» (1977) de Robert Wise, avec Anthony Hopkins, «Le plus secret des agents secrets» (1979) de Clive Donner, ou «La malédiction du Cobra» (1980) de Bob Claver. L’inoubliable film de Peter Weir, «Le cercle des poètes disparus» (1988), offre à Norman Lloyd le rôle de Monsieur Nolan, directeur de la prestigieuse et austère école, dans laquelle enseigne un professeur anticonformiste et hédoniste, joué par Robin Williams. Parallèlement, il incarne de 1982 à 1988 le docteur Auschlander dans la série télévisée «Hôpital St. Elsewhere». Au cinéma, il est à l’affiche du drame historique de Martin Scorsese, «Le temps de l’innocence» (1992), étude de la haute société new-yorkaise des années 1870, de la comédie de Curtis Hanson, «In her shoes» (2004), confrontation entre deux sœurs que tout oppose, et se range, à l’âge canonique de 100 ans, après la comédie de Judd Apatow, «Curtis Amy» (2014), itinéraire d’une femme libre et désinhibée. Norman Lloyd tourne encore dans des documentaires jusqu’à son cent-sixième anniversaire! Sa longévité et sa bonne santé, ce doyen du cinéma les attribuait à son amour du tennis. Autre prouesse, il reste marié pendant 75 ans à sa seule épouse, la comédienne Peggy Lloyd (1913-2011), avec laquelle il a deux enfants. Lui-même décède le 11 mai 2021 dans sa résidence de Los Angeles. Il ne souhaitait pas de funérailles. Mais sa popularité l’a inscrit au fronton de la postérité. Lloyd est l’assurance de son talent...

© Isabelle MICHEL