Wes Craven

Mieux vaut ne pas se fier à son air malicieux... Le cinéaste et scénariste américain Wes Craven, passé maître dans l’art du film d’épouvante, n’a eu de cesse de jouer avec nos peurs! Wesley Earl Craven naît le 2 août 1939 à Cleveland dans l’Ohio, au sein d’une famille baptiste rigoriste. Autant dire qu’il n’est pas d’emblée happé par la fréquentation des salles obscures. C’est à l’université, où il enseigne après des études à dominante littéraire, qu’il découvre le cinéma. «Touché par le virus», selon sa propre expression, il part à New York pour se former au montage. Sa rencontre avec Sean Cunningham, père du célèbre «Vendredi 13», est décisive pour sceller et aiguiller sa vocation. Son premier film, «La dernière maison sur la gauche» (1972), qu’il écrit et réalise avec de faibles moyens, ne passe pas inaperçu, tant la violence et le climat morbide s’y côtoient dans les affres de deux amies confrontées à une bande de violeurs sadiques. La terreur est désormais le fil rouge de tous ses films. « La colline a des yeux » (1977), qu’il réalise cinq ans plus tard, est tirée de l’histoire d’une famille attaquée par des cannibales. Le film fait recette et conforte le cinéaste dans son génie à susciter des ambiances de cauchemar sur grand comme sur petit écran.

Wes Craven est aussi à l’affût de nouveaux talents. C’est sous sa direction que Sharon Stone et Johnny Depp font leurs premiers pas au cinéma, la première dans «La ferme de la terreur» (1980), le second dans «Les griffes de la nuit» (1984), auprès de Robert Englund qui incarne le personnage terrifiant de Freddy Krueger. Ce monstre au visage brûlé et aux doigts prolongés de lames acérées hante les rêves des adolescents et les tue pendant leur sommeil. Le film est un triomphe et remporte un prix au Festival fantastique d’Avoriaz. La «figure mythique» de Freddy est dès lors déclinée en plusieurs suites dont Wes Craven réalise encore la sixième, «Freddy sort de la nuit» (1993). Sacré «maître de l’horreur», le cinéaste continue à distiller dans ses longs métrages à succès, comme «Le sous-sol de la peur» (1991), les frissons d’effroi dont ses fans sont friands. Mais la critique à son égard est mitigée. D’un côté Wes Craven est loué pour son style mêlant onirisme, violence et provocation teintée d’humour. De l’autre, il est taxé de ne faire que reproduire des clichés éculés. Un film va mettre fin à cette dualité.

«Scream» (1996), chef d’œuvre du genre, est un énorme succès qui décroche le Grand Prix au Festival international du film fantastique de Gérardmer et fait l’unanimité des critiques autour d’un scénario inventif, d’une musique innovante et d’acteurs populaires, tels que Courteney Cox ou Drew Barrymore. Le climat d’angoisse est encore décuplé par le masque spectral du tueur, sans doute inspiré du tableau d’Evard Munch «Le cri». Une telle ovation ouvre la voie à une saga qui comprend quatre volets, mais dont le dernier en 2010, ultime réalisation de Wes Craven, ne recueille pas le même engouement. Entretemps, le cinéaste quitte son registre de prédilection pour aborder d’autres genres, un mélodrame interprété par Meryl Streep, «La musique de mon cœur» (1999), peu prisé par le public, puis un thriller «Red eye, sous haute pression» (2005), plus réussi, avec Rachel McAdams et Cillian Murphy.

C’est le 30 août 2015, à l’âge de 76 ans, que Wes Craven décède des suites d’une tumeur au cerveau à son domicile de Los Angeles. Ce virtuose, encensé et non dénué de fantaisie avec ses apparitions fréquentes à l’écran, reste à tout jamais un (sai)gneur du film de terreur.

© Isabelle MICHEL