Matthew Perry

Ne vous fiez pas à son visage rieur. Les boute-en-train sont souvent de grands angoissés et l’acteur américain Matthew Perry ne déroge pas à la règle. Dès sa naissance, le 19 août 1969 dans le Massachusetts, c’est un bébé qui pleure beaucoup et qu’on apaise avec des calmants. Les prémices d’une addiction qui va sceller son karma. Il n’a pas un an, lorsque son père, acteur, quitte le foyer familial et que sa mère, journaliste, s’installe au Canada, devenant l’attachée de presse du ministre Pierre Trudeau. Matthew, délaissé par ses parents, grandit dans la peur de l’abandon. Peu doué pour les études, il se tourne vers le sport et se passionne pour le tennis, avec le projet de devenir un joueur professionnel. Mais ses penchants pour l’alcool et la drogue l’obligent à y renoncer. Il décide alors de partir à Los Angeles rejoindre son père dans l’espoir de devenir acteur lui aussi. Après des apparitions dans des séries télévisées, il aborde le cinéma aux côtés de River Phoenix dans un film de William Richert, qui sonde les aspirations adolescentes, «Jimmy Rearson» (1987).

Sa carrière lancée, Matthew Perry est pressenti pour interpréter dans une série prometteuse, «Friends», le personnage de Chandler Bing. Sarcastique, pétri d’autodérision, drôle et désabusé à la fois, c’est le sosie du comédien. «Friends» (1994/2004) déroule sur dix saisons les péripéties de six jeunes new-yorkais, unis par une profonde complicité et partageant en toute confiance leurs joies et leurs soucis. En dix ans de succès ininterrompu d’une série à forte audience, entouré d’acolytes célèbres devenus des amis, comme Courteney Cox ou Jennifer Aniston, Matthew Perry accède à une notoriété mondiale. L’éternel névrosé, drôle et attachant qu’il incarne et qui le caractérise est tout particulièrement adulé, avec sa réplique culte: «Je m’appelle Chandler et je fais de l’humour chaque fois que je suis mal à l’aise». Même s’il est stressé par l’enregistrement des épisodes en public, le comédien est enfin heureux. Il partage sa vie avec l’actrice Julia Roberts et renonce à l’alcool. Une parenthèse de courte durée.

Au cinéma appâté par sa popularité, Matthew Perry joue de son image d’homme gauche et narquois pour des comédies romantiques. Il séduit Salma Hayek dans «Coup de foudre et conséquences» (1996) de Andy Tennant, passe pour un homosexuel dans «Un de trop» (1999) de Damon Santostefano et tombe amoureux de Elisabeth Hurley dans «Au service de Sara» (2001) de Reginald Hudlin. Face à Bruce Willis, qui partage son goût de la fête, Matthew Perry déploie ses talents comiques dans «Mon voisin le tueur» (1999) de Jonathan Lynn. Mais «Mon voisin le tueur 2» (2003) de Howard Deutch est un fiasco et la série «Friends» prend fin. Un déchirement. L’acteur décroche encore des rôles à sa mesure. Dans «Givré!» (2006) de Harris Goldberg, il interprète un scénariste quelque peu perturbé mentalement que Lynn Collins tente d’aider. Dans «Birds of America» (2007) de Craig Lucas, avec Hilary Swank, il est confronté à une vie familiale et professionnelle compliquée. Il joue aussi l’adulte que devient Zac Efron dans la comédie fantastique «17 ans encore» (2008) de Burr Steers. Cherchant à diversifier ses talents, il s’investit dans l’écriture et la production, mais la magie n’est plus là. Commence alors pour l’acteur une descente aux enfers, ponctuée de projets qui avortent, de graves problèmes de santé, de retour à l’alcool suivi d’une cure de désintoxication, d’amours éphémères ou sans retour. Retrouvé mort dans son jacuzzi le 28 octobre 2023, Matthew Perry aura noyé son mal être dans la solitude.

© Isabelle MICHEL